Excédent de bagages
Je ne sais pas trop comment ça se passe chez vous.
De mon côté, c'est pas toujours brillant.
On arrive tous dans la vie adulte avec des bagages. Il y en a souvent des kilos. Seulement voilà, en grandissant, on se dit qu'on les connait, on se dit qu'on voyage avec depuis si longtemps qu'on est capable d'assumer leurs poids. Alors nous voilà, débarquant dans la vie d’adulte, frais et pimpants, prêt à affronter le monde en ayant conscience des malles énormes que l'on traîne derrière soi. On avance, confiant, dans les dédales de cette gare gigantesque. Tout n'est pas si facile se dit-on, peut-être même que tout ne tient qu'à un fil. Mais on avance, car ces bagages que l’on traîne derrière nous, on les connait, et on sait bien comment les faire passer par ce couloir si étroit. Et puis finalement, on débarque dans ce hall, ce hall nouveau, inconnu, où personne ne sait, personne ne présume. On a posé ses valises à la consigne, et on avance, persuadé que rien ne peut nous retenir, que ce poids qu'on croit avoir porté trop longtemps ne peut plus avoir d'effet.
Viens alors ce nouveau voyage. Il ne ressemble à rien de ce dont on se souvient; C'est une impression si nouvelle que l'on est sûr qu'elle ne se rattache aucunement à notre vie d'avant. Et on se plonge tout entier, espérant oublier l'impression persistante que rien ne pourra jamais effacer ce que l'on est. Si en cours de route on se rend compte qu'au fond, c'est un voyage maudit, si l'on réalise que l'on s'y oublie tellement qu'on laisse la vie nous abattre consciencieusement on laisse couler, parce que, vu ce que l’on traîne, c’est peut-être le seul qu’on pourra faire vraiment. Mais quelque part au fond, il y a cette petite voie, et tout autour de nous il y a ces nombreuses voix qui nous répètent sans cesse que l’on vaut mieux que ça, que ce semblant de train nous écrase tout le temps, qu’on est capable aussi de voyager vraiment.
Et puis un jour, on y croit. Ou alors simplement, on a tellement mal qu’on ne peut faire autrement. Alors on le lâche, ce wagon déglingué, on réalise que peut-être on peut survivre en dehors. On essaye comme on peut de rejoindre d’autres quais, même si au fond on y reste attaché, même si au fond on ne peut pas se défaire, de l’idée absurde et néanmoins tenace, que le lien ne pourra jamais vraiment s’effacer.
Et nous voilà de nouveau dans ce hall inconnu, on y est familier et pourtant un espoir nouveau, une impression rebelle nous donne l’impression que les choses enfin vont devenir belles. Et si les trains se font rares, on s’évade quand même, on prend ses propres pieds pour découvrir ses rêves, on se lance seul et brave dans les dédales jusqu’alors ignorés. La force est là, au fond de nos entrailles, rien ne pourra nous arrêter. On a bien conscience de tous les dangers, et les pièges parfois nous avalent à moitié. Mais l’on se croit plus fort, bien plus intelligent. On récupère ses bagages histoire de s’empêcher de sombrer encore une fois dans la vaine illusion de la possible renaissance. Et l’on avance seul sur les routes sinueuses, et quand l’orage gronde, on se maudit en silence. Et quand on est brisé de comprendre enfin, que pendant la seule petite balade à laquelle on avait gouté dans ce train on avait au mieux que valeur de passe temps, on s’arrête un moment, pour reprendre son souffle. On s’arrête un instant sur le bord de la route, pour y croire encore ne serait ce qu’une seconde.
(J'espère que ce long texte me satisfera encore quand j'aurai déssoûlé)
(bisous)